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    LE TEXTE CI-DESSOUS EST PUBLIE DANS LE MAGAZINE TONIC DE FEVRIER 2007.

     

    LES TRIBULATIONS D’UN VOYAGEUR DES POLES.

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    54°48’ de latitude sud, 68°18’ de longitude ouest : USHUAIA, capitale de la Terre de Feu, lieu mythique pour tout voyageur des pôles. Car c’est d’ici que partent les navires pour la Péninsule Antarctique. Nous naviguons au large du Cap Horn pour rejoindre 36 heures plus tard et 1000 km plus loin les Iles Shetland du Sud, début de notre périple dans l’univers des glaces.

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    Autrefois couverte d’une épaisse calotte glaciaire, la Péninsule Antarctique, cette résurgence de la Cordillière des Andes, est aujourd’hui une terre partiellement dégagée des glaces et représente un eldorado pour les manchots. Il faudrait dire représentait, car depuis peu les températures sont à la limite du supportable : +15°Celsius le 30 janvier dernier sur Peterman Island, de quoi stresser les bébés manchots couverts d’un épais duvet sensé les protéger du froid lors du court été austral.

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    78°00 de latitude nord, 16°00 de longitude est : nous voici dans l’hémisphère nord, à Longyearbyen au Spitsberg, à mi-chemin entre la Norvège et le Pôle Nord. Territoire géré par la Norvège, l’archipel aux côtes blanches -le Svalbard- est le point de départ pour nombre de navires qui sillonnent l’océan glacial arctique. C’est ici que s’est joué dès le 17e siècle le drame de nombreuses espèces animales : baleines, phoques et morses furent chassés jusqu’à leur quasi extermination !

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    Depuis quelques jours, notre bateau a franchi le Cercle Polaire. Mais jamais nous n’avions réussi la circumnavigation de l’archipel aux côtes blanches, toujours la banquise nous força à rebrousser chemin. Puis ce fut le choc : non seulement nous avons contourné le Spitsberg au mois d’août, mais pour trouver la banquise nous avons du mettre cap au nord pour nous rapprocher à moins de 800 kilomètres du Pôle Nord.

    Et cette banquise est le territoire de chasse de Nanook, l’ours polaire. Sans banquise, pas de phoques ! Et sans les phoques c’est le début de difficultés pour l’ours blanc.

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    LE SYSTEME CLIMATIQUE S’AFFOLE !

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    Certes, les changements climatiques ont depuis toujours modifié la physionomie de la Planète Terre, il y a toujours eu alternance de périodes de glaciation et de périodes de réchauffement.

    Ce sont les océans, les continents, le soleil et l’atmosphère qui nous entoure qui fabriquent les climats par des transferts d’énergie.

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    Mais ce qui caractérise la période actuelle est nouveau : c’est à la fois la rapidité du phénomène de réchauffement et l’ampleur des dégâts déjà mesurés dans les régions polaires.

    Ces régions polaires sont des écosystèmes spécialisés, très fragiles. Imaginez des plantes qui survivent à moins 50 degrés Celsius, des animaux qui naissent par moins 35 degrés Celsius. Tiens, le bœuf musqué par exemple: voilà un mammifère dont le bébé va subir un choc thermique de l’ordre de 70 degrés, c’est-à-dire l’écart de température entre le ventre de sa mère et l’air ambiant ! Seuls une laine particulièrement épaisse et un métabolisme adapté lui permettent de survivre.

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    Lors d’un voyage en Antarctique, mon ami Heinz AYE, un capitaine qui navigue depuis 1977 sur l’Océan Austral, me confie: « il y a vingt, jamais nous n’aurions passé ici à cause de la banquise ; aujourd’hui, c’est un boulevard ! Les immenses icebergs tabulaires qui se détachent de la calotte antarctique sont une conséquence du réchauffement climatique, bien qu’ils ne présentent pas de danger particulier pour la navigation, car ils sont faciles à repérer sur l’écran radar».

    « Par contre les tempêtes dans le Passage de Drake sont plus fortes –les 50e hurlants-, j’ai essuyé ici ce qu’on appelle une monster wawe, c’est-à-dire une vague géante ». Autant dire que cette année-là le voyage s’est terminé avant même d’avoir commencé, car l’eau avait envahie la passerelle et contraint le bateau à faire cap vers Buenos Aires pour réparer les avaries. 

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    Ce qui surprend l’homme, c’est aussi la violence des perturbations climatiques : souvenons-nous du cyclone Katrina qui déferla sur les côtes de la Louisiane. A ce jour des centaines de milliers de personnes ne peuvent retourner dans leurs maisons, ou ce qu’il en reste : ils sont les réfugiés écologiques d’une démocratie moderne et riche. Imaginez ce qu’il adviendra des peuples vivants dans les régions les plus exposées et en même temps les plus pauvres de la planète comme le Bengladesh par exemple.

    Nos hivers en Alsace ne sont plus ce qu’ils étaient : pas besoin de longues études scientifiques pour le vérifier. La question qui fera débat dans les années à venir sera la suivante: qu’est-ce qui relève de la météo –le court terme- et du climat –le long terme-, mais cela ne doit pas nous détourner de l’essentiel : agir dès maintenant pour inverser la tendance, car ce que nous savons sur les climats et moins important que ce que nous ignorons, autrement dit nous avons tout à apprendre.

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    Pour comprendre l’évolution des climats, rien de tel que la machine à remonter le temps: c’est dans les calottes polaires que les scientifiques essayent de reconstituer les climats anciens appelés paléoclimats : sur la base Russe de Vostok en Antarctique des carottages à moins 3623 mètres permettent de reconstituer 400 000 années d’archives climatiques ! Car la glace emprisonne des éléments en suspension tels les poussières, les pollens, les bulles d’air qui sont autant de témoins du passé. Et c’est par l’étude des paléoclimats que nous savons aujourd’hui que les climats et l’atmosphère sur terre sont modifiés par l’activité humaine.

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    L’IMPACT DE L’HOMME EST FATAL A LA PLANETE !

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    Où en sommes-nous avec l’écologie ? Pensons-nous qu’après tout cela ne va pas si mal, que mère Nature s’en sortira toujours, ou encore que la science trouvera bien « le » remède pour sauver la Terre ? De 2,5 milliards en 1950, la population de la planète grimpera à près de 9 milliards en 2050 !

    Actuellement nous sommes quelques 6,6 milliards à nous partager l’espace utile et les ressources, mais de manière très inéquitable. Le développement industriel, cumulé avec l’augmentation de la population mondiale, a aujourd’hui un impact négatif jamais égalé sur la planète.

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    Les gaz à effet de serre (GES) sont les sous-produits de ce développement, et nous venons de découvrir leur impact sur l’environnement. Chaque fois que nous utilisons notre voiture ou chauffons notre maison par exemple, nous brûlons des énergies fossiles –pétrole, gaz, charbon- qui stockaient le carbone depuis la nuit des temps. Libéré dans l’atmosphère, ce carbone vient s’additionner aux autres GES.

    Les carottes glaciaires, les sédiments marins et les coraux permettent à la science de mesurer l’évolution de ces GES. Le résultat est sans appel : depuis l’épopée industrielle, disons depuis le début du 19e siècle, dioxyde de carbone (C0²), méthane, oxyde nitreux se sont multipliés dans l’atmosphère pour atteindre aujourd’hui des concentrations qui mettent en péril la vie sur la planète. Le consensus scientifique s’est fait –après plus d’une décennie d’atermoiements- pour admettre que les GES sont responsables du réchauffement climatique en ce sens qu’ils retiennent prisonnière une part supplémentaire de la chaleur solaire.

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    Les Chlorofluorocarbonés (CFC) sont d’autres GES responsables du trou d’ozone au-dessus de l’Antarctique. Cette perméabilité de la couche d’ozone, à la manière d’un parasol troué, laisse libre cours à la puissance des rayons ultraviolets du soleil qui mettent en danger le vivant. Pendant des décennies nous avons utilisé ces gaz propulseurs dans les sprays par exemple, ou encore dans les systèmes de réfrigération. L’utilisation des CFC est arrêtée depuis plus de 20 ans, pourtant le trou d’ozone continue de s’agrandir, preuve que certains GES ont  une capacité destructrice à très long terme.

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    A Punta Arenas au Chili, j’ai discuté avec un chauffeur de taxi qui m’expliquait que ses enfants ne sortaient plus jouer entre 11H00 et 16H00 les jours de fort ensoleillement. Lui-même utilise plusieurs crèmes solaires pour essayer de se protéger et la mairie affiche quotidiennement les indices de radiation à titre de prévention pour les populations.

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    Réchauffement climatique et trou d’ozone entraînent dans leur sillage des difficultés encore plus graves pour l’humanité : la montée des océans et le dégel du permafrost.

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    La Nouvelle Zélande vient récemment d’offrir l’asile écologique aux habitants de Tuvalu, un archipel de l’Océan Indien qui se retrouve les pieds dans l’eau suite à la montée du niveau des océans, et il en va de même pour les Iles Maldives.

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    En Alaska et en Sibérie, l’absence de banquise renforce les tempêtes qui arrachent littéralement les zones côtières du Détroit de Béring. Certains villages sont contraints au « déménagement », en clair les maisons sont déplacées vers l’intérieur des terres pour mettre les populations à l’abri. La fonte du permafrost ou pergélisol fragilise les infrastructures et notamment les plots de béton qui supportent les pipe-lines qui convoient le pétrole brut, autant de catastrophes écologiques en prévision, sans compter les ruptures d’approvisionnement pour nos économies.

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    Réfléchissons un instant à  l’héritage  que notre frénésie de production et de consommation laissera aux générations futures : des sites pollués, des centrales nucléaires jamais définitivement éteintes, des forêts disparues, des fleuves pollués et des océans vidés, une biodiversité en piteux état. Sans être nostalgiques de l’âge de pierre, nous devons cependant nous poser la question du sens que nous voulons donner à notre passage sur Terre.

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    Voilà quelques années j’ai rencontré une équipe d’ethnologues en plein travail sur la côte ouest du Groenland, à Illulissat. Les fouilles étaient organisées dans la toundra, dans la couche supérieure du permafrost qui dégèle le temps du court été arctique. A ma question « que cherchez-vous », Bob me répondit : « les vestiges d’une civilisation Inuit qui vécut ici voilà 4000 ans ». Le peuple Inuit autrefois appelé eskimos –littéralement mangeurs de viande- vit depuis plus de 10000 ans en Arctique.

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    J’ai cherché à savoir ce que l’équipe avait trouvé et le visage de Bob s’illumina : il déplia un mouchoir pour en extraire des pointes de harpons en os et des pièces de silex taillés, outils indispensables pour chasser puis dépecer le phoque. Il s’agissait là des seules traces laissées par ceux que Paul-Emile VICTOR appela la « civilisation du phoque ».

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    Un mouchoir sera-t-il suffisant pour collecter la masse de déchets que nous produisons quotidiennement ?

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    SI LES POLES TRINQUENT, L’ALSACE AUSSI BOIRA LA TASSE !

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    Dans notre belle Alsace, l’été 2006 restera dans les annales comme le plus chaud jamais mesuré à Strasbourg ! L’automne 2006 est réputé comme étant le plus chaud depuis 1950, et que dire de l’hiver qui n’a fait qu’une timide apparition fin janvier : sûr que lui aussi battra des records.

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    Depuis 1955 nous mesurons 25 jours de gel et 16 jours de neige en moins. Les moyennes à Strasbourg sont celles de Lyon dans les années 50 et d’ici trente ans l’Alsace « bénéficiera » des températures équivalentes à celles d’une ville comme Montélimar aujourd’hui.

    D’où des interrogations légitimes sur nos cultures par exemple : qu’adviendra-t-il de notre vignoble, les cépages sont-ils adaptés ? L’INRA travaille aujourd’hui sur des variétés OGM ce qui consiste à additionner la peste et le choléra, car là encore ce que nous savons de leur évolution et moindre que ce que nous ignorons.

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    Les stations de sports d’hiver de moyenne montagne ont un avenir compromis et bon nombre de personnels étaient au chômage technique depuis le début de la saison.

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    Et que dire du Rhin, qui n’est plus ce qu’il était ! Capricieux au printemps, eaux très basses en été, avec comme résultat des bateaux qui ne peuvent plus naviguer à pleine charge et donc un prix du transport en hausse, avec transfert du cargo vers la route, ce qui pose les problèmes que connaissent bien ceux qui circulent encore en voiture pour rejoindre Strasbourg. Enfin ses eaux basses en été posent la question du refroidissement de la centrale nucléaire de Fessenheim.

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    Q’ATTENDONS-NOUS POUR PASSER A L’ACTION?

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    Telle la grenouille dans une casserole d’eau portée à ébullition, nous restons statiques jusqu’à être cuits à point! Que sont devenus les oiseaux, les insectes, les papillons et autres mammifères de nos jardins alsaciens et de nos forêts vosgiennes? Quel avenir pour les poissons de la Moder, de la Bruche ou de l’Ill ? Nous devons réagir face à l’appauvrissement de la biodiversité : car l’homme fait partie de cette biodiversité, nous ne sommes qu’une espèces parmi toutes les autres, et si nous ne prenons garde nous risquons de subir le triste sort que nous avons réservé à toutes ces espèces qui ont déjà quitté la Planète.

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    En vous interrogeant sur les freins au changement, vous constaterez que le réchauffement climatique n’a pas de visage : ce n’est pas un Ben Laden que nous pouvons pourchasser à grands frais. C’est probablement pour cela que les réassureurs débloquent plus d’argent pour couvrir les risques liés aux attentats que pour couvrir les dégâts des catastrophes naturelles.

    Le réchauffement n’est pas non plus perçu comme un danger imminent, mais après tout nous ne sommes pas pressés, n’est-ce pas…

    Le réchauffement ne touche pas à la morale, nous n’avons pas mauvaise conscience à utiliser notre voiture là où nous pourrions par exemple utiliser les transports en commun voire marcher.

    Enfin, nous opposons économie et écologie, convaincus par les lobbies que produire propre coûterait plus cher et que consommer sain serait la fin du système. Non, la croissance ne sauvera pas l’humanité. Consommer moins permettrait au contraire de faire des économies d’énergie, d’argent, de déchets : n’est-ce pas dans cette direction qu’il faut regarder ?

    Selon le rapport de Thomas STERN, ancien grand argentier de la Banque Mondiale, ne rien faire coûtera de toute manière plus cher que d’agir : il chiffre le coût de l’inertie face au réchauffement climatique à quelques 5500 milliards de dollars, 20% du PNB mondial, de quoi donne le vertige, mais aussi de l’espoir, car avec un tel budget nous pourrions anticiper, repenser et réorganiser nos modes de vie.

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    IL N’EST PAS TROP TARD POUR AGIR !

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    Il faut par conséquent décider, produire et consommer autrement.

    Décider autrement en donnant la priorité au long terme, en-dehors des clivages politiques et de la pression des lobbies, appliquer le principe de précaution autant que nécessaire, ne pas attendre les confirmations scientifiques lorsque les faits parlent d’eux-mêmes.

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    Produire autrement, en donnant la priorité aux biens utiles et durables, en transférant les budgets marketing vers l’investissement propre et respectueux de l’environnement, en respectant à la fois ceux et celles qui produisent et qui consomment.

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    Consommer autrement, en repensant nos critères de choix et de qualité, nos standards de confort et d’esthétique, bref en changeant notre échelle de valeurs !

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    Sûr que cela demandera du courage, beaucoup de courage : courage des citoyens pour appliquer les gestes qui sauveront la Planète, courage des industriels pour intégrer la composante environnementale dans leur action, courage politique pour fixer un cadre réglementaire équitable pour toutes les strates la société

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    De mes voyages dans les régions polaires, dans le grand nord canadien ou en Alaska, j’ai tiré ma conviction que nous faisons fausse route. Qui a regardé droit dans les yeux une maman grizzly qui nourrit, éduque et protège avec courage ses petits comprend le message de la Vie. Qui a vu la tristesse du regard de l’ours polaire qui jeûne dans la Baie d’Hudson en attendant une hypothétique banquise ne peut plus détourner son regard. Qui a vu des parents manchots s’affairer autour du cadavre de leur jeune, mort exténué par des températures excessives, se doit de réagir !

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    Des rencontres faites en Alsace je tire ma motivation pour vous demander de passer à l’action sans délai. Car vous êtes nombreux à vous interrogez sur l’avenir, le vôtre et celui de vos enfants, à chercher des voies alternatives. Et vous avez raison, l’heure est grave.

    Les solutions simples sont toujours les plus faciles à mettre en œuvre : si nous commencions tous ensemble, point par point, à nous engager sur la voie du changement ?

    Au fait, savez-vous comment naissent les calottes glaciaires ? Flocon après flocon…

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