• JOE est un ami canadien. Natif de l'Ontario, il a passé sa vie dans le bush (dit-il en anglais), dans le bois lorsqu'il parle français!

    Bûcheron de métier, il a fait partie de ces équipes qui ont déboisé l'ouest canadien à raison de 300 arbres par jour et par bûcheron! Heureusement qu'ils ont reforesté depuis: lorsque vous circuler sur le highway, vous voyer des panneaux: forêt récoltée en 1950, replantée en 1955, prochaine récolte prévue en 2025 par exemple.

    Aujourd'hui à la retraite, proche de ses 70 printemps, JOE vit dans sa "cabin" en bois, sans électricité ni téléphone, ni eau courante, ni fuel, pas même un groupe électrogène. Le pick-up DODGE dépasse les 40 ans et ne circule plus que sur les chemins forestiers.

    Qu'à cela ne tienne, ici il faut un bateau hors-bord et une moto-neige, c'est là son seul "luxe"! 

    Ici la nature est généreuse et offre tout à portée de main: le lac est devant la porte, la forêt l'entoure, les truites sont présentes toute l'année et les saumons remontent par centaines de milliers dès le mois de mai, après la débacle de la Nass River et le dégel de Meziadin Lake.

    JOE est donc un TRAPPEUR (le dernier?)! Un vrai, pas très moderne, pas vraiment à l'aise en ville où il se rend une fois par mois pour encaisser sa petite retraite et faire la fête avec ses amis.

    Avant de l'interroger sur son métier, sur la nature qui l'entoure, il faut gagner sa confiance,  car dans le Grand Nord on a appris la prudence, on ne se livre pas comme çà! Trop de "strangers" se sont perdus par ici...La patience est une vertue essentielle pour qui veut découvrir la Nature, et JOE est Nature, il fait partie de cette forêt boréale au même titre que les ours et les loups qui l'entourent.

    Mais une fois la glace rompue, vous pouvez l'interroger sur tout ce qui vous intéresse, il se montrera intarissable, de bon conseil et toujours prêt à vous inviter pour partager son expérience.

    En mars dernier nous avons ainsi passé deux jours en forêt. La température était agréable (-6°C), un beau soleil se reflétait sur une neige qui crissait sous nos raquettes. Car sans les "snowshoes" aucune chance de progresser dans le "bush". Contrairement aux élans d'ailleurs, qui malgré leur poids (+700kg pour un grand mâle) se montrent parfaitement mobiles avec des sabots qui leur permettent de se maintenir sur le manteau neigeux et de le gratter pour accéder à de la nourriture.

    JOE utilise des pièges classiques pour capturer essentiellement des martres et des castors. Parfois un loup se fait prendre, attiré par un morceau de castor faisandé. Mais cela est très rare, car chassé depuis des siècles, jusqu'à extermination dans les régions d'élevage, le LOUP est extrêmement prudent. JOE m'expliquait que le meilleur appât était du castor mariné pendant quelques années dans un vieux fût à essence, bonjour l'odeur, mais il paraît que les loups n'y résistent pas.

    Je me souviens de mon premier loup sauvage, que j'ai rencontré sur le highway entre...chien et loup: nous remontions de Terrace vers le Nord et Meziadin Junction, lorsqu'il traversa la route devant nous: oh ce fut une rencontre très furtive, mais sa haute silhouette et ses yeux en amande restent gravés dans ma mémoire.

    Plus tard, ce fut sur la berge de Meziadin Lake que nous avons fait l'expérience de la meute: après une journée de pêche au saumon et de sorties en canoe, le feu alimenté de cèdre rouge crépite et les filets de saumon redonnent l'énergie pour le lendemain. Une pluie d'automne nous fit préférer le DODGE à la tente pour passer la nuit au sec. Vers 2 heures du matin, nous fûmes réveillés par le hurlement des loups qui entouraient le véhicule; j'en ai encore des frissons dans le dos, non pas de peur, car le loup n'attaque pas l'homme, mais des frissons de bonheur, ce bonheur simple que seule une Nature vierge et sauvage peut vous offrir.

    Le lendemain nous rendions visite à JOE  et nous lui racontâmes notre rencontre nocturne. Il nous expliqua la vie organisée d'une meute avec la louve alpha, le mâle reproducteur et enfin les autres membres (jusqu'à 15) indispensables pour chasser l'élan et subvenir ainsi aux besoins en nourriture du groupe.

    CLAUDE et LORAINE sont trappeurs dans le YUKON, sur un territoire qu'ils arpentent depuis plus de 40 ans, et eux aussi nous racontent leurs expériences avec les loups: ils les ont observés maintes fois chasser en meute, poursuivant un ELAN ou un CARIBOU jusqu'à épuisement, avant de l'achever et le partager selon un rituel immuable. La femelle alpha et le mâle reproducteur se servent en premier, ensuite les autres membres ont accès à la carcasse. Finalement, ce sont les renards, corbeaux et aigles immatures qui se partageront les reliefs du festin et bientôt seule une tache rouge sang sur la neige marquera ce lieu où s'achève et commence le cycle pérpétuel de la Vie, car la mort donne la vie, la vie donne la mort.

    RON est une autre de mes connaissances. Trappeurs depuis des générations dans l'Ontario, lui a fait le choix de quitter l'est pour rejoindre le Nord de la Colombie Britannique, moins exploité, plus rémunérateur donc. Car RON vit de chasse, de trappe et de cueillette de champignons et de baies. 

    Une bonne ligne de trappe est construite de manière à être accessible et de pouvoir relever les pièges par tout temps, même lorsque la neige aura recouvert la forêt boréale de son manteau immaculé. C'est ainsi qu'il met à profit l'été pour débroussailler, élaguer, baliser avec des rubans de couleurs différentes ses lignes, son territoire, qu'il ne partage avec personne. Car les trappeurs ont  un code éthique qui veut que chacun respecte le territoire de l'autre, tiens, comme les loups par exemple.

    A l'automne il sillonne les grandes étendues à pieds et en canoe pour ramasser les champigons (exportés au Japon depuis Vancouver!) et en profite pour préparer ses caches d'appâts et de carburant (eh oui, la moto-neige consomme).

    Dès les premières neiges l'excitation le prend  et il quitte son camp à l'aube c'est à dire en pleine nuit, à bord de sa "snowmachine" pour rejoindre son territoire de trappe.

     

    Suite prochainement...

     


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