• GUIDE CONFERENCIER EN ANTARCTIQUE!

     

     

    ARTICLE PARU DANS LE FIGARO MAGAZINE DU 29.12.2006

    Auteur Pierre FLIECX et Jean-Michel VOGE

    Le dernier paradis terrestre préservé vous attend, plus de 1 000 kilomètres au sud du cap Horn. Une croisière aussi intelligente que rafraîchissante, dans des décors à couper le souffle.

     

    Les voyages forment la jeunesse. C'est bien. Mais encore bien mieux lorsqu'ils vous... la font retrouver. Ce pari fou, Le Diamant, fleuron de la Compagnie des îles du Ponant, le tient désormais chaque saison lors de ses extraordinaires croisières en Antarctique. Le temps d'une escapade slalomant entre icebergs et colonies de manchots, le navire vous offre la plus rafraîchissante expérience d'école buissonnière sur l'eau.

     
    Tout y est. Les cours magistraux, assurés par les meilleurs spécialistes et dispensés dans le confort de la grande salle de conférence. Les travaux pratiques, qui suivent aussitôt, lorsque les canots pneumatiques mis à l'eau vous «beachent» à terre sur une île. Les disciplines au programme ? Histoire, géographie, sciences naturelles. Avec une dominante activité physique et plein air (pur) comme fil rouge. Et sans oublier deux options extrascolaires mais pas facultatives pour autant : la gastronomie et la détente. 
     
    Pour terrain de jeu et cour de récréation, ce territoire qui englobe le sud de la Patagonie et Ushuaia la mythique, le canal de Drake et son légendaire cap Horn et, enfin, les Shetland du Sud et la péninsule du continent antarctique. Longtemps réservé à quelques aventuriers et, surtout, aux armadas scientifiques, l'extrême Sud antarctique est en passe de devenir l'une des destinations les plus courues de la planète. Parce que l'une des plus belles et des plus authentiques. Mais peut-être aussi parce que c'est l'une des contrées les plus fragiles - et donc les plus menacées - du monde.
     
    Longtemps ignoré, soupçonné il y a peu, mais désormais confirmé, le phénomène du réchauffement de la planète, dont la responsabilité incombe en grande partie à l'homme, est, ici comme dans l'Arctique, le plus sensible dans ses effets.
     
    C'est dans ce grandiose laboratoire à ciel ouvert que vous plonge la croisière. Une étonnante découverte au pays de La Marche de l'empereur, de Happy Feet et des icebergs géants dérivants.
     
    Rien à craindre : au départ d'Ushuaia, le commandant embarque un «capitaine des glaces», le capitaine Aye, qui sillonne les mers depuis plus de cinquante ans (85 passages du cap Horn) et l'Antarctique depuis vingt ans. Son coup d'oeil est aussi impressionnant qu'infaillible pour juger et jauger la glace, sa consistance, son épaisseur, comme pour en déceler les pièges et, de là, tracer la route la plus sûre. D'un coup d'oeil, à sa couleur - plus ils sont bleus, plus ils sont vieux -, il vous annonce l'âge de l'iceberg croisé sur tribord (parfois plusieurs dizaines de milliers d'années !). C'est à lui et lui seul que revient la décision, par exemple, d'emprunter l'étroit et spectaculaire canal Lemaire.
     
    A bord, la vie «scolaire» est rythmée par un emploi du temps quasi immuable. Après le petit déjeuner, c'est l'heure du briefing où sont passés en revue programme, règles de sécurité et consignes spécifiques à la journée. Chaque passager, affecté dès le départ à un groupe (bleu, vert, rouge, jaune), connaît donc parfaitement le timing exact pour son embarquement dans l'un des canots pneumatiques. Dans sa parka rouge fournie (et qu'il conservera comme souvenir), ganté et botté, il ne lui reste plus qu'à se diriger vers la plage arrière. Avant d'embarquer, passage obligatoire (comme au retour) par un pédiluve pour éviter toute contamination sur cette terre quasiment vierge.
     
    A terre, l'équipe technique est déjà là pour aider au débarquement, le beaching (dépose sur la plage). A raison de deux ou trois par jour, la technique est vite assimilée : s'asseoir sur le bord, dos à l'eau, puis pivoter d'un demi-tour et se laisser tomber dans la dizaine de centimètres d'eau. La balade accompagnée et commentée peut commencer, le seul souci étant de respecter impérativement l'ensemble des consignes et surtout de ne jamais s'écarter des zones autorisées. Bien plus que le beaching ou le froid (ici, la température tourne toujours autour de 0 °C lors de l'été austral), c'est l'épreuve la plus difficile pour le croisiériste. Comment, caméscope ou appareil numérique au poing, résister à l'envie de s'approcher d'un mètre, puis encore d'un autre mètre, de ce manchot qui couve son oeuf ? De ce phoque assoupi ? De ce nid de pétrel ?
     
    Les «maîtres d'école» n'ont guère à sévir, l'autodiscipline s'établit vite. Les «autoroutes», itinéraires empruntés par les manchots pour descendre vers la mer ou remonter vers les nids, sont respectées. Tout comme on apprend rapidement à s'écarter des nids de skuas, ces oiseaux aux cris aussi lugubres que la couleur de leur plumage qui ne se contentent pas d'attaquer les oeufs du manchot qui s'éloigne trop du nid et plongent en piqué sur votre tête pour vous rappeler à l'ordre.
     
    La journée est donc rythmée par ces débarquements dans des lieux plus magiques les uns que les autres. Half Moon, Hannah Point, île de la Déception, canal Lemaire, canal de Gerlache, Port Lockroy, Neko Harbor, Hope Bay, Penguin Island. Dans des décors à couper le souffle, des lumières inédites, uniques. Un monde dont, simultanément, on ressent la beauté et pressent la fragilité.
     
    De retour à bord, avant de gagner la chaleureuse salle à manger où chaque repas se révèle un enchantement, le grand salon accueille les conférenciers naturalistes, comme Jean-Louis Imbs, Marie Foucard et Nathalie Thibault. Ou Serge Kahn, l'intarissable spécialiste de Jean-Baptiste Charcot. Un dernier briefing pour exposer le programme du lendemain, un petit tour apéritif au piano bar et il est temps de passer à table - parfois à celle du commandant, qui accueille chaque jour des passagers. 
     
    Les plus courageux se retrouveront plus tard sur la piste de danse ou au bar qui la jouxte. Mais l'air de l'Antarctique possède des vertus sédatives indéniables...
     
    Parler d'école buissonnière, de retour à l'enfance, n'est pas exagéré. En Antarctique, la croisière se fait intelligente. Revisite l'histoire du monde et de ses grands aventuriers en une révision géante. Ce qu'on y apprend ? Que pôle Nord et pôle Sud sont les contraires : des glaces cernées par des terres pour le premier, une terre bordée de glace pour le second. Que ces contrées si hostiles ont été le cadre de terribles compétitions, comme celle opposant fin 1911 le Norvégien Roald Amundsen et l'Anglais Robert Scott pour la conquête du pôle Sud. Que Jean-Baptiste Charcot, fils du célèbre médecin, marié à une petite-fille de Victor Hugo, joua un rôle essentiel dans la connaissance de la péninsule avec ses multiples expéditions et hivernages. Que le pingouin est à l'Arctique ce que le manchot est à l'Antarctique. A distinguer le manchot empereur du manchot Adélie, du manchot papou ou du manchot roi. Et bien d'autres choses encore.
     
    Et puis, à n'importe quel moment du jour ou de la nuit, le commandant n'hésite jamais à lancer un appel général de sa passerelle répercuté dans chaque cabine, invitant à le rejoindre sur le pont. Parce que l'on croise un iceberg bleu des mers du Sud de 100 000 ans. Ou pour assister à une chasse à la baleine menée par une impitoyable meute d'orques. Et croyez-moi : dans les dix minutes qui suivent, les coursives se peuplent d'une armée en pyjamas ou robes de chambre, jumelles, caméras et appareils photo en batterie. Le même commandant (Etienne Garcia en l'occurrence) capable d'offrir un beaching surprise émouvant - drapeau tricolore en tête - hors programme sur le lieu d'hivernage réalisé par Charcot en 1905 sur sa goélette Le Français. 
     
    Le parcours du Diamant, dans le dédale des îles qui bordent le continent, croise plusieurs bases scientifiques habitées pour la plupart six mois de l'année. Argentins et Chiliens se sont longtemps livrés ici à une véritable guerre pour revendiquer des parts de territoire. Querelle dérisoire : le traité sur l'Antarctique, signé le 1er décembre 1959 à Washington, renvoie ces deux pays - et quelques autres - dos à dos : les seules activités admises en Antarctique devront rester d'ordre scientifique.
     
    Buissonnière ou non, toute école a droit à sa remise des prix. Et le plus beau, qui a valeur de titre - diplôme officiel remis -, est bien sûr celui de cap-hornier, décerné à tous ceux ayant croisé aux 55° 59' de latitude nord et 67° 16' de longitude ouest. Car le cap Horn, point de sortie emblématique de cette croisière, se mérite. Il est capable, en moins de vingt-quatre heures, de vous prendre dans ses plus furieux tourments, mais aussi de vous offrir, au coeur de l'été austral (janvier-février), un déjeuner en plein air et face aux icebergs sur le pont du Diamant avec le soleil pour tout témoin. Sans pour autant faire de cadeau. A l'aller, lors de notre périple entre Ushuaia et l'Antarctique, nombre de passagers avaient regretté l'absence de vent, jugeant même cette traversée entre la Patagonie et l'Antarctique digne de celle «de la lagune de Venise». Le retour se chargea de valider cette notion de mérite. Ce dont attestèrent les restaurants désertés ce soir-là, quand Le Diamant se jouait de creux de 10 mètres incapables de perturber sa progression. Dernière leçon, donnée par la mer.
     
    Mais s'offrir, en janvier ou février, un déjeuner sur le pont arrière du Diamant, face au rocher mythique des marins du monde entier, avouez que cela déborde du cadre d'une croisière classique. Alors...
     
    Alors, dépêchez-vous : la planète se réchauffe !

     

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