• Qui n'a rêvé de rencontrer un jour un loup dans le Grand Nord Canadien? Passionné par les histoires de Jack LONDON, j'ai toujours attendu ce moment exceptionnel, unique, mythique, de la rencontre avec Canis Lupus (photo Gary Kramer, US fish and wildlife service).

    Mais  voilà, le loup a trop souffert de la cruauté de l'homme qui depuis la nuit des temps l'a toujours  chassé, piégé ou empoisonné, sous des prétextes aussi stupides que futiles: mangeur d'hommes, dévoreur de bétail, ou simplement concurrent sur un territoire de chasse. L'automne dernier j'ai croisé KEITH, un chasseur; nous avons parlé de la chasse à l'élan et voilà qu'il m'explique qu'il vient d'abattre un loup "car il venait vers moi, ne semblait pas m'avoir vu, j'ai donc tiré". Résultat, un cadavre qui traîne sur le bord du chemin, un massacre gratuit, car finalement "sa fourrure n'avait pas une qualité commerciale"! Vous comprenez maintenant que le loup évite et fuit l'homme comme la peste! Il a trop souffert et préfère se tenir sous le couvert de la forêt primaire, à l'abri des rencontres mortelles.  

    Lorsque j'interroge mon ami GERRY sur les chances de voir la bête du Gévaudan, il me prend au mot et me dit "suis-moi". Nous étions confortable installés sur un canapé dans sa maison à Stewart, une Yukon Gold (oui, on fabrique de la bière là-haut!)  à la main. En fait de maison, Gerry a racheté l'ancien poste de la Police Montée Canadienne! Son rez-de-chaussée est toujours équipé d'une vraie cellule, avec barreaux, WC et paillasse, ainsi que des dessins sur les murs, "fresques rupestres" d'un prisonnier qui tuait le temps et comptait les jours ! Donc Gerry m'entraîne à l'étage inférieur, ouvre la porte de la cellule, et que vois-je? Un gigantesque loup empaillé, un cadeau d'anniversaire pour son épouse. Si la vue de l'animal empaillé ne me réjouit pas particulièrment, je suis surpris par sa grande taille, vraiment impressionnante.

    Une autre fois, c'est LARRY qui me fait rencontrer le loup, ou plutôt sa peau au fond d'un congélateur. La chasse au loup n'est toujours pas interdite, et tout chasseur par ailleurs titulaire d'une licence et d'un "ticket" peut abattre un loup par saison.

    Mais passons ces rencontres macabres et retournons vers ce lieu mythique qu'est Meziadin Lake. Une nuit au bord du lac reste un évènement gravé jamais dans votre mémoire. En fin de journée le vent fléchit, l'onde lisse est embrasée par le soleil couchant et plus tard la lune montante viendra s'y refléter. Un cri très particulier traverse l'atmosphère et nous fait frissonner: c'est le plongeon arctique, un oiseau des milieux aquatiques, pêcheur solitaire en-dehors de la période de reproduction.

    Installés au bord du lac, j'ai allumé un feu qui nous réchauffe car mi-septembre les nuits s'annoncent déjà fraîches. Deux truites grillent au bout d'une baguette de cornouiller et nous ne tardons pas à nous restaurer, puis à dérouler nos sacs de couchage dans le Dodge qui nous servira d'abri pour la nuit. Après une journée au grand air, Morphée vous appelle et votre esprit vagabonde.

    Impossible de vous dire vers quelle heure, mais en pleine nuit nous sommes réveillés par des bruits autour du véhicule: soudain s'élève un "concert" de voix, celles de Canis Lupus. Une meute s'est rapprochée de nous pour entammer leur chant de ralliement. Unique, indescriptible, frissons garantis! Mais le temps de me lever et d'allumer les phares, le spectacle s'achève et nous restons sur notre faim. Nous n'avons toujours pas vu le loup.

    Quelques jours plus-tard, nous sommes installés à la table de MIKE, qui tient la seule pizzeria au nord de Terrace et au sud du Yukon, en gros à 1000 km à la ronde! MIKE a quitté le Texas pour s'installer à Hyder au fond du Portland Canal, le fjord qui fait la frontière entre la Colombie Britannique et l'Alaska. L'été lui et sa femme servent des petits déjeuners aux campeurs, et dès midi il fait chauffer le four construit de ses mains, alimenté au bois coupé de ses mains, pour préparer des pizzas à la pâte pétrie par ses mains! "Home made", c'est sa marque de fabrique. Mais là ne s'arrête pas l'originalité du lieu, car en quittant nuitamment la pizzeria, vous pouvez rencontrer au gré des saisons, un loup ou encore un ours. MIKE est intarissable sur la faune avec qui il cohabite dans ce coin perdu d'Alaska.

    Finalement, ma première rencontre avec le loup eu lieu en octobre dernier, là où je ne l'attendais pas. Avec mon ami Claude nous venions de faire le pied de grue sur la rive nord de Meziadin Lake pour surprendre quelque grizzly. Mais la pression d'un "outfitter", c'est-à-dire d'un canadien "agréé" pour guider de riches américains à la chasse à l'ours fait que fait que les grizzlys sont devenus extrêmement rare dans le secteur. Au point que je m'interroge sur l'impact écologie de ces "prélèvements" contrôlés; j'ai d'ailleurs bombardé l'administration des eaux et forêts à Victoria d'e-mails leur demandant d'interdire cette pratique. Je verrai en août prochain si la situation a changé.

    Mais revenons à nous loups. Avant de rejoindre la cabane de Joe où nous passions nos nuits, nous nous arrêtâmes une dernière fois près de Hanna Creek. Nos yeux étaient tournés vers la rivière regorgeant de saumons, lorsqu'arriva vers nous une silhouette connue, du moins le pensions-nous. Car nous n'avions aucun doute, il ne pouvait que s'agir  de Curly, le chien de Larry. Et ce n'est qu'au tout dernier moment, alors qu'il était à vingt mètres de nous, que le loup stoppa net. Canis Lupus releva sa tête,  prit le vent et disparut aussitôt dans le fourré! Instant furtif, instant volé, aucune photo pour témoigner, mais quelle émotion! Quel bonheur d'avoir enfin vu, de mes yeux vu un loup sauvage, dans son écrin naturel, Meziadin!


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